La Cour de justice de la Cédéao a invalidé lundi le code électoral burkinabè qui interdisait aux soutiens de Blaise Compaoré de se présenter aux prochaines élections. Le gouvernement de transition a rapidement affirmé qu’il se conformerait à cette décision. Reste à déterminer comment. Décryptage.

  • Que stipule la loi électorale adoptée par le régime de transition burkinabè ?

Le 7 avril dernier, les députés du Conseil national de transition (CNT, le parlement intérimaire burkinabè) ont voté à une large majorité la modification du code électoral. L’article 135 de ce nouveau texte rend « inéligibles » toutes les personnes ayant « soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l’alternance démocratique ». Si son contenu est ambigu et permet différentes interprétations (qui est visé ? sur quels critères ?…), son objectif, lui, est plus clair : exclure les partisans de Blaise Compaoré des prochaines élections présidentielle et législatives, dont le premier tour est prévu le 11 octobre.

Promulgué trois jours plus tard par le président de transition Michel Kafando, le nouveau code électoral a immédiatement déclenché une vive polémique au Burkina. Criant au scandale et à une exclusion contraire aux normes démocratiques, sept partis de l’ancienne majorité, en tête desquels le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti de « Blaise », avaient saisi la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

  • Que change la décision de la Cédéao pour les prochaines élections au Burkina ?

Très attendue à Ouagadougou, la décision de la Cour de justice de la Cédéao est finalement tombée ce lundi 13 juillet. Invalidant le code électoral promulgué par les autorités de transition burkinabè, elle considère que sa modification constitue « une violation du droit de libre participation aux élections » et « ordonne en conséquence l’État du Burkina Faso de lever les obstacles à une participation aux élections consécutives à cette modification ».

Selon l’instance de justice ouest-africaine, dont la décision est définitive et sans appel, « il ne s’agit pas de nier que les autorités actuelles du Burkina Faso aient, en principe, le droit de restreindre l’accès au suffrage, mais c’est le caractère ambigu des critères de l’exclusion, et l’application expéditive et massive qui en est faite, que la Cour juge contraire aux textes ».

En tant que membre de la Cédéao, l’État burkinabè est tenu de se plier aux décisions de la justice régionale. Théoriquement, il devrait donc revenir sur la modification du code électoral pour le clarifier et le soumettre aux exigences de la Cour de justice ouest-africaine. Seul problème : la Cédéao elle-même interdit à ses États membres de réviser leurs lois électorales moins de six mois avant des élections. Il devrait donc revenir au Conseil constitutionnel, qui sera chargé de décréter quelles candidatures seront valables ou non, de prendre en compte l’arrêt rendu par la Cour de justice de la Cédéao. Autre option, soulevée par Frédéric Nikiéma, porte-parole du gouvernement burkinabè : l’adoption d’un décret pour préciser le libellé de l’article 135 du Code électoral.

  • Quelles ont été les réactions au Burkina ?

Cette décision de la Cedeao a évidemment entrainé de nombreuses réactions différentes au Burkina Faso. « Nous dénoncions ce code électoral parce qu’il était liberticide (…) Par cette décision de la Cour de justice de la Cédéao, ceux qui voulaient que ce nouveau code soit appliqué doivent comprendre qu’il ne s’agit pas d’une victoire du CDP, notre parti, mais de l’ensemble des Burkinabè. C’est la démocratie burkinabè qui a gagné », a estimé Eddie Komboïgo, le patron et candidat du CDP dans une interview accordée à Jeune Afrique.

Interrogé par l’AFP, Mamadou Savadogo, l’avocat du régime de transition burkinabè, a lui estimé que « la cour a rendu une décision que nous comprenons ». « Nous allons exécuter les règles dictées par la Cour et apporter les aménagements nécessaires », a-t-il poursuivi.

De son côté, le gouvernement de transition a, dans un communiqué, déclaré « prendre acte de cet arrêt » et qu’il « examinera avec la plus grande attention la décision de la Cour ».

Tout en rappelant que les autorités de transition entendaient se plier aux exigences de la Cédéao, son porte-parole a aussi demandé que l’on laisse le temps au gouvernement « d’analyser la décision pour identifier les mesures adéquates à prendre ».