Le contexte diplomatique eût pu être désastreux, il s’est révélé en réalité particulièrement porteur. Fort d’une participation active de la France à deux accords majeurs conclus en moins de quarante-huit heures, sur le maintien de la Grèce dans la zone euro et le nucléaire iranien, François Hollande a profité de son intervention télévisée du 14 juillet pour adopter plus que jamais la posture du président protecteur, garant de la stabilité dans une France guettée par la « menace » terroriste, une Europe secouée par la crise grecque et un monde plus instable que jamais. La traditionnelle figure du père de la nation, en somme, et même plus précisément de la « patrie », terme qui apparaît dans le champ lexical « hollandais » et dont le chef de l’Etat a usé mardi à plusieurs reprises. « Il y a quelque chose qui nous dépasse tous, c’est la patrie », a-t-il ainsi estimé, visant tant Alexis Tsipras que lui-même.

Affectant de paraître beau joueur, le chef de l’Etat n’a pas cherché à s’attribuer outre mesure les lauriers de l’accord conclu lundi à l’aube à Bruxelles : « Je ne dis pas que c’est la France qui a gagné. C’est l’Europe qui a gagné et la France qui a joué tout son rôle. » Nulle humiliation, a-t-il juré, dans les conditions drastiques imposées à la Grèce : « L’humiliation, c’eût été de la chasser » ou de la « licencier ». Soucieux cependant de présenter l’accord bruxellois à son avantage politique, M. Hollande a pareillement démenti toute tension entre la France et l’Allemagne. Tirant la leçon de l’affaire grecque, celle d’une Union européenne en situation de blocage politique, il a préconisé d’« avancer sur le gouvernement économique » de la zone euro, afin de mettre en place « un budget de la zone euro » et même d’installer un « Parlement de la zone euro », mais sans préciser plus avant.

Vocable anxiogène

Le chef de l’Etat qui jouit d’une certaine hauteur de vue : c’était donc le rôle qu’entendait s’attribuer M. Hollande, servi en cela par la conclusion de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, quelques heures plus tôt. « La France a été très ferme dans cette négociation », a-t-il rappelé, insistant sur la spécificité de la position française. Une « fermeté » qui prévaut également sur le front du terrorisme intérieur. « J’ai renforcé sans cesse les services de renseignement. Je fais en sorte qu’ils puissent travailler en assurant notre liberté, avec des moyens supplémentaires », a expliqué M. Hollande, évoquant les deux lois antiterroristes du quinquennat et celle sur le renseignement, ainsi que l’activité des services : « Toutes les semaines, nous arrêtons, nous empêchons, nous prévenons des actes terroristes. »

L’heure est grave, et le président n’hésite plus à user d’un vocable anxiogène : « Nous sommes devant un ennemi, devant une menace. » Il a tenu cependant à apporter sa « propre expression » sur la « guerre de civilisation » évoquée par Manuel Valls, dont le chef de l’Etat a assuré au passage qu’il avait « vocation à rester à Matignon jusqu’à la fin du quinquennat » : « Nous sommes face à des groupes qui veulent mettre en cause toutes les civilisations » et « nier l’idée même de civilisation ». Mais dans le même temps, M. Hollande exhorte ses concitoyens à ne pas « avoir peur », s’adresse à « tous ceux qui veulent se crisper, se replier », réitérant son éternel souci de « rassembler » et invoquant Charles de Gaulle : « Ce que nous devons porter, c’est l’idée de la France, une certaine idée de la France. »

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François Hollande semble d’ores et déjà positionné, s’adressant implicitement à ceux qui pourraient être ses concurrents lors de la campagne présidentielle de 2017 : « Je ne suis pas pour la France crispée, rabougrie, qui devrait se diviser. Je laisse ça à d’autres. Comme président, je dois emmener la France, l’aider à garder ce qui fait son âme. » Bouclier de la « patrie » et gardien de l’« âme » de la France, la posture est avantageuse. Voilà qui ressemble fort à un axe stratégique pour une future campagne. Même si M. Hollande, comme il se doit, fait mine de s’offusquer : « Je ne vais pas ici annoncer quelque candidature que ce soit. Nous sommes à deux ans de l’échéance. Vous avez vu les sujets qui sont les miens ? La Grèce, l’Iran, la sécurité, l’emploi. Et je serai en train ici de chercher à imposer une candidature ? »

Le terrorisme combattu, l’accord avec la Grèce conclu et la question du nucléaire iranien résolue : le contexte, diplomatique et sécuritaire pour l’essentiel, a opportunément permis à M. Hollande d’éviter, pour le quatrième et avant-dernier 14-Juillet de son quinquennat, et à la différence des trois précédents, les sujets qui fâchent vraiment, économiques et sociaux ceux-là. Alors que la question de son bilan va se poser dans les prochains mois, le président, qui a de nouveau vendu le sien – pacte de responsabilité, loi Macron, loi Rebsamen –, a nié toute pusillanimité sur le front intérieur et répété que, « s’il n’y a pas de baisse de chômage, [il] ne se représenterai[t] pas ».

« Vous en connaîtrez, j’espère, des présidents aussi audacieux que moi ! » L’affirmation, pensée pour être plus régalienne que jamais, ne souffrait évidemment aucune question de basse politique politicienne, comme celle d’une éventuelle candidature de Nicolas Sarkozy en 2017 : « J’ai suffisamment de sujets à traiter, celui-là n’est pas sur ma table de travail », a évacué le président, qui évolue très au-dessus de cela.

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