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Quelles strategies pour relancer le développement de l’Artisanat en Guinée ?

Quelle dynamique nouvelle pour faire du secteur de l’artisanat en Guinée, un levier suffisamment fort pour la création de la valeur ajoutée et des employs, après la foire natioale artisanale de Labé ?

Le secteur de l’artisanat en Guinée, quoique potentiellement très riche et diversifié, n’a aucune chance de sortir des ornières de l’informel et de nos mauvais choix de politique publique au cours des dernières décennies, sans un changement en profondeur de la stratégie du gouvernement.

Une toute nouvelle stratégie, est nécessaire pour servir de levier dans l’ensemble de la chaine de valeurs du secteur, depuis la fabrication des instruments artisanaux jusqu’à la labellisation proprement dite d’un “Made in Guinea” et qui devrait se vendre et s’exporter au plus vite ả l’international. Voilả pour la vue d’ensemble et pour les défis ả relever.

Comparé au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal, le secteur de l’Artisanat est complètement plombé en Guinée, depuis plus de 40 ans, faute de politique publique efficace inscrite sur le long terme de manière agressive et volontariste et faute également, de financements innovants adaptés pour la création d’infrastructures artisanales structurantes, de richesse et de compétences solides dans le secteur.

Venons-en aux chiffres de nos voisins, et voyons dans quelle direction il faudrait ả mon humble avis, demander ả notre Gouvernement de changer radicalement de politique en reconstruisant complètement le secteur de l’Artisanat Guinéen qui ne se vend pas malheureusement aujourd’hui dans le monde. Et c’est très dommage pour nous.

  1. Au Burkina Faso :

En dépit de toutes les contraintes budgétaires sur ce pays Sahélien enclavé et très pauvre, les pouvoirs publics se sont donnés en deux générations, les moyens plus que tout autre pays de l’Afrique de l’Ouest, de promouvoir les arts et l’artisanat: musées, salles, écoles, subventions très élevées et organisations de festivals ou d’exposition ouverts au monde entier.

Au niveau mondial, le pays est mieux vendu aujourd’hui grâce au Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO), qui est devenu une vitrine des artisans venus du monde entier. Un Salon qui dure en fait, une semaine et qui se tient généralement entre la fin du mois d’Octobre et le début novembre de toutes les années paires. Il regroupe le meilleur de l’artisanat Africain (bronze, textile, maroquinerie, masques, antiquaires, bijouterie….) et promeut les acteurs de ces secteurs tout en leur donnant une immense vitrine internationale.

Résultats : En 2015, on estimait ả plus de 900 Mille le nombre des artisans au Burkina Faso, dont 500 mille femmes, et 85 pour cent de ces artisans exercent leurs activités dans les deux principaux centres urbains de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso.

Deuxième créateur d’emplois après l’agriculture et l’élévage, l’artisanat contribue ainsi pour plus de 15 pour cent de la richesse nationale (le PIB) du Burkina Faso. Le secteur est en pleine croissance, particulièrement depuis la dévaluation du Franc CFA intervenue en 1994, et est, de plus en plus, tourné vers le marché international.

L’artisanat Burkinabè, couvre aujourd’hui neuf corporations qui regroupent 110 métiers dont les métiers du bâtiment et de la terre, de la forge et assimilés, des services, de la maintenance et de la réparation, du textile et de l’habillement, des cuirs et peaux, de l’alimentation et de l’hygiène, des métaux précieux, du bois et de la paille, de l’artisanat d’art.

Fondé en 1988, le SIAO tiendra sa quinzième Foire Internationale cette fois-ci en 10 jours, du 28 Octobre 2016 au 6 Novembre 2016 ả Ouagadougou.

Le Village Artisanal de Ouagadougou, dernier né des espaces de création, de production et de vente, est la toute nouvelle structure moderne qui représente et commercialise de façon permanente l’artisanat burkinabè.

Situé à côté du SIAO, le Village Artisanal compte ả lui seul, environ 50 métiers et rassemble plus de 500 artisans parmi les meilleurs du Burkina.

(2) Au Mali  : Le pays est très actif dans la quasi-totalité des foires et salons comme, entre autres :

la Fête de l’Artisanat et du Tourisme du Mali à Villetaneuse (dans le 93 ả Paris), en octobre 2013 ;

le Salon International de l’Artisanat Traditionnel d’Alger (SIATA), en novembre 2013 ;

la Semaine de l’Artisanat du Mali à Montreuil, en banlieue Parisienne, en décembre 2013 ;

le Festival Daoulaba, « rencontre autour du coton », en décembre 2013 ;

la Foire Internationale du festival sur le Niger à Ségou, en février 2014 ;

le Salon de l’Artisanat Textile de Bamako (SATABA), en mars 2014 ;

le Marché Ivoirien de l’Artisanat (MIVA) à Abidjan, en avril 2014 avec deux prix : celui de la créativité et du stand ;

la Fête de l’Artisanat et du Tourisme du Mali en Essonne, en mai 2014 ;

le Festival International de Sélingué en avril 2014 et

la Semaine sénégalo-malienne de l’habillement, à Bamako, en Mai 2014.

Comme perspective très innovante, au niveau de l’artisanat, il est prévu la prospection d’un réseau pour la vente de produits artisanaux Maliens aux USA à travers des Maliens installés sur place, et/ou en marge des Sessions des Nations Unies, et dans certaines grandes Villes Américaines.

Le pays se penche de plus en plus vers les dispositions offertes par les Américains au continent Africain dans le cadre de l’AGOA, pour booster la commercialisation des produits de l’artisanat Malien, sans avoir ả payer aucun droit de Douane en entrant sur le marché des USA.

(3) Au Sénégal :

Dans le cadre d’une nouvelle option pour repositionner de manière stratégique le secteur de l’artisanat, le Président Macky Sall a engagé le Gouvernement en concertation avec les acteurs concernés, à élaborer une toute nouvelle Stratégie nationale de développement de l’artisanat (SNDA), qui devra assurer la promotion des entreprises artisanales dans chaque région.

Entre autres préoccupations, le Sénégal vient de s’engager carrément dans la voie de la labellisation des produits artisanaux, pour se faire une meilleure référence et des parts de marché ả l’international. Le projet “MADE IN SENEGAL”, vise ả permettre aux créateurs Sénégalais d’exporter vers d’autres marchés internationaux. Car la formalisation des acteurs du secteur de l’artisanat passe nécessairement par la labellisation avec la mise en place des guichets uniques aux services artisanaux.

En termes de nouveaux financements, le président Macky Sall, chef de l’Etat, a prévu de mettre une enveloppe de 28 Milliards de francs CFA pour relancer l’Artisanat, sur financement de la Banque Africaine de Développement, de la Banque Islamique du Senegal, et du Gouvernement Espagnol. Le projet vise à mettre en place un mécanisme favorable à l’accès des artisans à un financement adapté et ả se tourner davantage vers l’exportation des produits de l’artisanat. Ce mécanisme est celui du Fonds de garantie des projets artisanaux (FGPA) qui fournit du crédit à l’insertion des apprentis ainsi que des financements pour l’extension et la modernisation des entreprises artisanales.

Résultat de cette mobilisation au Sénégal : 120 corps de métiers répartis en trois groupes ont été créés :

L’Artisanat de production (on classe dans ce groupe les tailleurs, menuisiers et maçons),

L’Artisanat d’art (qui comprend les maroquiniers, bijoutiers, sculpteurs, peintres d’art)

Et enfin l’Artisanat de service (où l’on retrouve les coiffeurs, mécaniciens, électriciens, plombiers, tourneurs, fondeurs).

Le pays s’est doté d’un village artisanal dans chacun des 33 chefs-lieux de département, d’une Chambre des Métiers dans chacune des 11 régions. Et chaque zone culturelle développe un artisanat dynamique.

Sur le plan de l’insertion professionnelle des jeunes, le secteur artisanal Sénégalais, offre de la formation, et de la qualification. Près de 315 mille apprentis sont formés dans l’ensemble des ateliers artisanaux du Sénégal selon les chiffres officiels que tout le monde peut consulter sur le site du gouvernement.

Quelles pistes de réflexion et de solutions pour le développement de l’artisanat en Guinée ?

(1) Il serait souhaitable de commencer par une relecture de notre Code de l’Artisanat et des réseaux des Chambres de métiers, pour le rendre plus compétitif par rapport ả celui de nos voisins du Mali et du Sénégal.

L’évolution fulgurante de l’artisanat au Burkina Faso, ả partir de la fin des années 1980, devrait inspirer le Ministère de l’Artisanat dans notre pays, pour s’inscrire dans une nouvelle approche plus vigoureuse de l’artisanat et qui serve de levier au développement économique de la Guinée.

 La création d’une Chambre des Métiers chargée de promouvoir spécialement le secteur de l’artisanat en Guinée sur la base d’un nouveau Code, me parait tout ả fait logique et recommandable.

(2) Sur la base d’un appui de nos principaux partenaires au développement, notre pays devrait réaliser un recensement général des artisans et procéder ả l’élaboration d’un répertoire informatisé des corporation, ả la création d’une carte géographique de l’artisanat de la Guinée, et ả la construction d’ateliers de ventes de produits artisanaux et de centres de formation des Jeunes artisans y compris pour les Etudiants inscrits dans l’enseignement supérieur.

 Ces centres devraient être disponibles dans les chefs lieux des 8 Régions du pays, et devraient permettre d’avoir une meilleure visibilité sur les statistiques de l’ensemble du secteur de l’Artisanat Guinéen et sur l’opérationnalisation d’un Registre National complet des métiers de l’Artisanat.

Á cela devrait s’ajouter la signature de conventions de partenariat entre la Chambre Nationale des Métiers et les Chambres des Métiers en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord et qui disposent d’une vieille tradition en matière d’organisation des métiers. Mais aussi, la création des Villages artisanaux sur financement public et privé dans nos régions pour permettre au secteur de l’artisanat de contribuer au développement de la décentralisation et ả la réduction de la pauvreté en milieu rural. Une telle perspective est tout ả fait envisageable.

(3) Le gouvernement devrait étudier les possibilités de la participation de la Guinée au Folklife 2018 prévu ici ả Washington DC, en qualité de pays invité d’honneur exactement comme le Mali a pu arracher sa place suite ả la visite de la Ministre Malienne de l’Artisanat aux USA et qui lui a permis de rencontrer les organisateurs de l’évènement.

Le Folklife est en fait, une expérience annuelle d’expression démocratique de plus de 45 ans et qui reçoit aux USA, des millions de visiteurs venant du monde entier. Ce serait une belle opportunité pour notre pays pour mieux vendre l’artisanat Guinéen.

Il y a aussi le Jazz Festival de la New-Orleans en Louisiane, qui attire beaucoup de visiteurs et qui est bien connu grâce au poids de la communauté Afro-Américaine et aux liens historiques et culturels de la Louisiane avec l’Afrique.

La Communauté Guinéenne étant relativement bien représentée dans les grandes villes comme New York, Chicago, Washington DC, Atlanta, il me semble qu’elle pourrait être mise ả contribution au même titre que les Consulats éparpillés sur le territoire Américain pour vendre les créations artisanales de la Guinée sans que l’on ait besoin de budgets publics extraordinaires pour cela.

L’occasion devrait être mise ả profit pour New York City surtout ả l’occasion des Sessions des Nations Unies. D’une manière générale, le marché de l’artisanat et notre industrie culturelle devraient trouver de très bons débouchés y compris au niveau des partenariats publics et privés sur le marché Américain, au regard des liens historiques des USA avec l’Afrique. Djembés, balafons, coras, flûtes etc…se retrouvent presque partout dans le monde des arts et dans les écoles publiques et privées aux USA, où l’enseignement de la musique est une partie intégrante des programmes scolaires.

(4) Notre pays devrait se donner les moyens de créer un Salon International de l’Artisanat de Guinée ả l’image du Salon International de Ouagadougou (SIAO) et du Salon International de l’Artisanat de Bamako (SIABA). Dans cette perspective, un renforcement de la coopération avec le SIAO de Ouagadougou et le Salon International de l’Artisanat de Bamako (SIABA), notamment en prélude au prochain Salon prévu en fin d’année au Burkina Faso, serait une bonne piste pour la Guinée.

(5) Il ne serait pas superflu non plus, de demander au Gouvernement d’étudier les possibilités d’accorder aux artisans Nationaux, certains marchés publics ả l’occasion des contrats d’achats de mobiliers pour l’équipement des Administrations Publiques aussi bien ả Conakry que dans les provinces. Ả qualité quasiment égale sur certaines gammes, l’Etat devrait donner sa préférence aux mobiliers fabriqués par les Artisans Nationaux, plutôt que d’avoir ả les importer très cher. L’Etat devrait être volontariste dans ce domaine éminemment important pour l’avenir de l’Artisanat en Guinée.

Bref, voilả entre autres, quelques pistes de réflexion qui devraient davantage inspirer le ministère d’Etat en charge de l’Artisanat et les Organisateurs de l’évènement qui vient de commencer ả Labé, et qui est une grande première depuis la fin de l’épidémie Ebola dans notre pays.

Je suis profondément convaincu, qu’avec une meilleure organisation, une politique sectorielle plus avant gardiste du gouvernement, il est possible de faire de notre pays une destination artisanale et culturelle, exactement comme le Burkina Faso l’a brillamment réussi en l’espace de deux générations.

Félicitations aux Organisateurs de la Foire Artisanale de Labé au coeur du Fouta Djallon, et grand merci ả la courtoisie de Guinéenews©.

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