Le chef de l’Etat et dictateur tchadien Hissène Habré  (1982-1990) le 16 août 1983 à N’Djamena.
Le chef de l’Etat et dictateur tchadien Hissène Habré  (1982-1990) le 16 août 1983 à N’Djamena. JOEL ROBINE/AFP
Hissène Habré sera bien enterré au cimetière musulman de Yoff à Dakar, jeudi 26 août. Depuis l’annonce de sa mort, mardi, du Covid-19 dans la capitale sénégalaise, la question de l’inhumation de l’ex-dictateur tchadien restait en suspens.
Le gouvernement tchadien avait indiqué qu’il ne s’opposerait pas au rapatriement de sa dépouille, mais qu’aucun hommage officiel ne lui serait rendu « en raison de ses condamnations et par respect pour ses victimes ».
Le soir de son décès, Fatimé Raymonne Habré, l’une des épouses de l’ancien chef de l’Etat, avait indiqué dans un communiqué qu’elle souhaitait qu’il « repose en terre sénégalaise » tant qu’il ne sera pas réhabilité au Tchad. « Nous n’avons rien demandé au gouvernement tchadien, et, un jour viendra où le président Habré sera entièrement réhabilité, et tout ce qu’il a fait pour son pays, sera reconnu », y était-il écrit.
« Généreux avec les gens d’ici »
Les autorités sénégalaises ne s’étaient, elles, pas prononcées. Le décès de Hissène Habré, condamné en 2016 à la prison à vie pour « crimes contre l’humanité, viols, exécutions, enlèvements et esclavage » durant son régime (1982-1990) – une peine confirmée en appel l’année suivante –, met mal à l’aise la classe politique au Sénégal, où il vivait depuis trente et un ans et bénéficiait d’une certaine popularité.
A l’annonce de sa disparition, plusieurs personnalités ont réagi publiquement. Abdoul Mbaye, président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT) et ancien premier ministre sénégalais, a ainsi déploré la perte de « l’unique chef de guerre africain vivant ayant libéré son pays d’une invasion étrangère », faisant référence à la guerre gagnée contre le général Kadhafi. Adji Mergane, vice-présidente du groupe parlementaire de la majorité Benno Bokk Yaakar, a vanté le courage de l’épouse d’Hissène Habré qui a toujours défendu son mari.
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Dans le quartier huppé de Ouakam à Dakar, quelques voisins s’étaient rassemblés devant la villa d’Hissène Habré après l’annonce de son décès. « Il était généreux avec les gens d’ici, pieux et il a bien éduqué sa famille », expliquait Boubacar Wade, l’un des doyens du quartier. Yaya Wane, voisin et ami des petits-fils de l’ancien président, disait ne « pas croire aux accusations faites contre Habré, un homme fort qui méritait de finir ses jours avec sa famille ».
Hissène Habré avait trouvé refuge à Dakar en 1990 après avoir été chassé du pouvoir au Tchad par des rebelles menés par Idriss Déby. Il y trouva un exil paisible pendant plus de vingt ans jusqu’à être rattrapé par la justice internationale. Arrêté en 2013, il avait été inculpé par un tribunal spécial, les Chambres africaines extraordinaires (CAE) et condamné au terme d’un procès historique commencé en juillet 2015.
« Il ne faut pas oublier ses victimes »
L’homme avait tissé un réseau d’influences pour vanter une image d’homme de paix, de président renversé et de héros africain. « C’était un homme riche, et il a eu le temps d’avoir des soutiens au Sénégal. Mais je retiens surtout le bilan humain de son règne qui a fait des milliers de victimes », rappelle Seydi Gassama, directeur d’Amnesty International au Sénégal. « Même si j’ai de la compassion pour sa famille et ses proches, il ne faut pas oublier les victimes qui sont encore dans l’attente de leur indemnisation », estime M. Gassama.
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Le président Macky Sall, habitué à présenter ses condoléances sur les réseaux sociaux, ne s’est pas exprimé directement, mais son garde des sceaux a expliqué, au micro de RFI, qu’il avait fait « tout ce qui était en son pouvoir pour qu’Hissène Habré soit traité dans la dignité et qu’on tienne compte de son rang d’ancien chef de l’Etat ».
Ces dernières années, les autorités s’étaient retrouvées sous pression pour accorder une mise en liberté. En avril 2020 au début de la pandémie de coronavirus, il avait pu sortir de prison pendant soixante jours et rejoindre sa résidence sous surveillance mais il avait ensuite dû retourner en cellule et la justice avait refusé une nouvelle demande de libération en avril 2021. Une procédure de liberté sous bracelet électronique était en cours d’examen au moment de son décès.
Hissène Habré en quelques dates
1942 Naissance dans le Tibesti
1963 Entrée à l’Institut des hautes études d’outre-mer
1982 Arrivée au pouvoir
1990 Renversé par des rebelles menés par Idriss Déby
2016 Condamné à la prison à vie pour crimes contre l’humanité par les Chambres africaines extraordinaires de Dakar
24 août 2021 Mort à Dakar
Lemonde