Les navires de guerre russes coopèreront désormais avec le porte-avions français, Charles-de-Gaulle, en Méditerranée. Une décision qui semble indiquer un rapprochement entre Moscou et Paris, jusqu’alors opposés sur la guerre en Syrie.

La France et la Russie sont-elles désormais « alliées » ? Le président russeVladimir Poutine a ordonné, mardi 17 novembre, à ses navires de guerre déployés en mer Méditerranée d’entrer en « contact direct » avec le porte-avions Charles-de-Gaulle, qui doit quitter le port de Toulon mercredi. « Un détachement naval français mené par un porte-avions arrivera bientôt dans votre secteur. Il faut établir un contact direct avec les Français et travailler avec eux comme avec des alliés », a déclaré le chef d’État russe lors d’une réunion de l’état-major de l’armée, consacrée aux opérations militaires en Syrie.

En parallèle, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a fait savoir mardi que la Russie « bougeait » sur le dossier syrien en frappant l’organisation de l’État islamique (EI). « Aujourd’hui même, des missiles de croisière russes ont frappé Raqqa », fief de l’EI dans l’est de la Syrie, a-t-il déclaré au journal télévisé de TF1. Dix chasseurs de l’armée de l’air française ont quant à eux mené denouvelles frappes françaises mardi soir sur cette localité, pour la troisième nuit consécutive.

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La simultanéité de ces raids et la prise de contact entre navires de guerre russes et français entrent dans le cadre d’une « coordination plus étroite » prônée entre les deux pays dans le sillage des attentats de Paris, selon le Kremlin. François Hollande, qui a prononcé un discours va-t-en-guerre contre les jihadistes de l’EI lundi, doit rencontrer Vladimir Poutine le 26 novembre prochain.

« La France fait l’inverse de ce qu’elle a fait par le passé »

Ces prémices de rapprochement entre les deux puissances ont de quoi étonner, compte tenu des récentes tensions entre Paris et Moscou. « On a fait du chemin depuis la guerre en Crimée et la polémique sur la vente de Mistrals », estime ironiquement Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne et directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) contacté par France 24. « Il y a une absence de consistance de la politique française. On ne sait pas jusqu’où ça peut aller. On fait exactement l’inverse de ce qu’on a fait par le passé. »

En aout 2014, la France avait refusé de livrer deux navires Mistral à Vladimir Poutine en raison du désaccord entre Paris et Moscou sur la crise ukrainienne, annulant ainsi une commande d’1,2 milliard d’euros. Plus récemment, en octobre, les pays occidentaux – englobant les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Turquie, les alliés arabes du Golfe et la France – ont accusé la Russie de viser des groupes d’opposants syriens lors de ses frappes aériennes afin de défendre le régime de Bachar al-Assad, bête noire de Paris.

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Mais en France, les attaques simultanées menées dans la capitale le 13 novembre, attentat le plus meurtrier perpétré dans l’Hexagone depuis la Seconde Guerre mondiale, ont changé la donne. Pour Paris, l’ennemi principal en Syrie est désormais « Daech » (autre appellation de l’EI en arabe), a annoncé le 16 novembre François Hollande devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles. Un ennemi difficile à combattre sans la Russie, qui mène depuis fin septembre desbombardements intensifs en Syrie, reléguant au second plan la coalition menée par les États-Unis.

Effet d’annonce

François Hollande a ainsi réclamé un rassemblement « de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste dans le cadre d’une grande et unique coalition ». Fin septembre, à la tribune de l’ONU, Vladimir Poutine, désireux de sortir de son isolement sur la scène internationale, avait déjà fait la même proposition, plaidant pour une « véritable coalition mondiale contre le terrorisme« .

Concrètement, sur le terrain, ce rapprochement, s’il a lieu, pourrait se révéler limité, pointent certains experts. « En matière de renseignement ou de ravitaillement, une coopération franco-russe peut être mise en place, même si nos objectifs politiques divergent. Mais aller plus loin dans le domaine de la coopération, ce sera politiquement difficile et techniquement compliqué », indique Jean-Vincent Brisset, expliquant par exemple que les matériels russes et français sont incompatibles ou encore que les soldats de Moscou ne parlent pas tous anglais.

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Pour l’expert, il s’agit principalement « d’un effet d’annonce » de la part de Paris. « La France espère que les États-Unis et la Russie, qui sont les vrais maîtres du jeu, se mettront d’accord. Si Paris fait cavalier seul avec Moscou, Washington pourrait lui fermer un certain nombre de robinets, notamment en ce qui concerne le ravitaillement et les renseignements », détaille Jean-Vincent Brisset.

Deux jours avant son déplacement à Moscou, François Hollande se rendra à Washington mardi 24 novembre pour y rencontrer Barack Obama. En amont de ces rendez-vous diplomatiques, le chef de l’État français a déjà reçu mardi à l’Elysée le secrétaire d’Etat américain John Kerry, puis s’est entretenu par téléphone avec le président russe.