Premier président américain à s’exprimer à la tribune de l’Union africaine, Barack Obama a tancé à Addis Abeba les dirigeants africains qui s’accrochent au pouvoir et a appelé le continent à éradiquer le « cancer de la corruption ». Il a estimé que les progrès démocratiques en Afrique étaient mis en danger par ces chefs d’Etat inamovibles. Des propos qui résonnent tout particulièrement dans certains pays, comme la RDC ou le Congo-Brazzaville, en plein débat sur leurs constitutions respéctives.
Hailemariam Desalegn a eu l’air d’apprécier le discours de Barack Obama sur le besoin de renforcer la démocratie en Afrique. Le Premier ministre éthiopien était pourtant sur le banc des accusés puisque le président américain l’a directement pris à parti pour dénoncer l’emprisonnement des journalistes ou la répression de l’opposition.
Certes, Obama avait pris soin de dire que Hailemariam Desalegn avait conscience de ces lacunes mais le sourire affiché à ce moment précis par l’homme fort d’Addis Abeba n’en restait pas moins déroutant. Signifiait-il que ces critiques lui passaient par-dessus la tête ?
Au-delà du cas éthiopien, il saura difficile de mesurer la portée des propos de Barack Obama ce mardi devant l’Union africaine. Car si on ne pourra plus lui reprocher de ne pas avoir été assez ferme et de privilégier des coopérations stratégiques, ce discours n’était pas pour autant révolutionnaire et encore moins contraignant. Pas certain donc qu’il fasse peur aux chefs d’Etat inamovibles et sûrs de leur force.
« Donneur de leçons »
Lors de son discours, le président des Etats-Unis a en effet ouvertement critiqué les dirigeants africains qui s’accrochent à leur siège. « Personne ne devrait être président à vie » a estimé l’actuel locataire de la Maison Blanche. Des mots qui font réagir, notamment en République démocratique du Congo. Un pays dans lequel une révision constitutionnelle est évoquée.
Lambert Mendé, le porte-parole du gouvernement, s’insurge contre ces leçons des dirigeants étrangers. « Le président Obama ne fait que répéter ce que nous entendons depuis plusieurs mois de la part de plusieurs dirigeants occidentaux qui, lorsqu’ils visitent l’Afrique, ne peuvent s’empêcher de donner des leçons aux pays africains comme si l’Afrique n’était qu’un seul pays, avec un seul problème, avec une seule solution, comme si l’Afrique avait le monopole de la durée des dirigeants à la tête des Etats. Mais nous en RDC nous ne nous sentons pas concernés par cela, bien que nous trouvions questionnable que l’on vienne nous dire comment nous devons résoudre nos problèmes institutionnels… »
Même son de cloche au sein du parti au pouvoir au Congo-Brazzaville, où là-aussi le débat tourne autour de la révision constitutionnelle. Jean-Didier Elongo, membre du comité central du PCT, assure que le président américain ne connait pas la spécificité de chaque pays. « Être donneur de leçon, c’est bien, mais nous pensons que l’Afrique doit prendre son destin entre ses mains et le Congo a cette chance d’avoir un homme d’exception qui nous réunit autour du dialogue pour régler les problèmes à l’africaine. Pour ce qui est du Congo nous avons eu un dialogue avec toutes les forces vives de la nation et nous pensons que la démocratie est universelle, mais elle doit s’adapter aux us et coutumes. C’est bien qu’il pense à la fin de son mandat à l’Afrique, mais l’Afrique n’attend pas grand chose de ses enfants qui sont nés à l’extérieur et qui ne connaissent pas forcément la réalité africaine. »
Les partis d’opposition apprécient
En revanche, que ce soit en RDC ou au Congo-Brazzaville, les partis d’opposition ont plutôt été charmés par les propos du président américain. Bruno Tshibala, le porte-parole de l’UDPS, parti d’opposition en RDC applaudit un grand discours qui « vise particulièrement la RDC », selon lui. « Il a bien fait de rappeler le vrai principe d’une démocratie aux dirigeants africains qui font le contraire », estime-t-il. Au Congo-Brazzaville, Pascal Tsaty Mabiala, premier secrétaire de l’Upads salue le discours « très fort » du président Obama, mais trouve cela encore insuffisant. « Nous voulons que ce discours ne reste pas simplement un discours mais qu’il soit accompagné d’actes. »
En tout cas s’il y en avait qui étaient aux anges, c’était la majorité de ces adolescents éthiopiens invités pour l’évènement à Addis Abeba. A la sortie, ils avaient des étoiles plein les yeux à tel point qu’il semble que, tel une rock-star, le président américain aurait pu dire n’importe quoi, ils auraient été sous le charme.
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