Interview  exclusive : « Le module de base de recensement national d’agriculture va mobiliser 700 enquêteurs » déclare, Dr Aboubacar Amadou Camara, Directeur de l’Agence Nationale de Statistique Agricole
20 ans après avoir effectué le dernier recensement portant sur l’organisation du recensement National de l’Agriculture et de l’Elevage (RNAE), le gouvernement guinéen en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour l’Agriculture FAO et la Banque Mondiale se sont fixés pour objectifs cette année de produire des informations statistiques structurelles fiables, pertinentes et suffisamment désagrégées sur l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’aquaculture et la sylviculture en vue de constituer des références pour planifier et mesurer la dynamique du secteur rural. Le secteur agricole, perçu comme moteur de la croissance économique inclusive du pays.
C’est dans cette optique, que le Directeur de l’Agence Nationale de statistique Agricole, Dr Aboubacar Amadou Camara a bien voulu nous accordé un entretien, afin de clarifier ces enjeux sur l’ensemble du secteur primaire de la Guinée.
Horoya : parlez-nous  du recensement national d’agriculture et l’élevage, à quoi consiste ce recensement ?
Dr Aboubacar Amadou Camara : cette agence c’est l’organisme de l’Etat, qui est dédié pour tout ce qui est de statistique agricole et alimentaire. Nous conduisons essentiellement deux grosses opérations, le recensement National de l’Agriculture et de l’Elevage qui est une opération de statistique d’envergure nationale, qui se réalise chaque 10 ans, c’est comme le recensement de la population, le recensement de l’agriculture, c’est une activité statistique décennale. Chaque 10 ans, cette opération statistique est réalisée. C’est une opération qui permet de disposer des informations sur la structure et fonctionnement du secteur agricole au sens large (l’agriculture, de l’élevage, la pêche, l’aquaculture et la sylviculture).
La deuxième opération, c’est des enquêtes annuelles, qui sont une sorte  de mise à jour annuelle statistique agricole courante. Le recensement a une particularité, c’est pourquoi on l’appelle le recensement et pas une enquête, c’est un dénombrement et ce dénombrement est exhaustif, il aborde tous les aspects structurels de la production agricole, parce que, les spécialistes ont estimé que 10 ans sont suffisants pour voir les changements structurels, la population agricole, l’âge de la population agricole, le niveau de production, la gestion du foncier , l’accès du foncier et tout ce que qui est le secteur de production peuvent évoluer, en tout cas ils peuvent avoir d’évolution pendant 10 ans. Donc cette opération, pour certaines contraintes, malheureusement la Guinée n’a pu la réaliser depuis 2000, pour des contraintes je dirais purement financière, aussi pour des aspects institutionnels, notamment ce service dont moi j’ai pris la responsabilité au mois de mars 2019, a eu quelques difficultés et de fonctionnements liées à la disponibilité des ressources, mais aussi à la maladie du Directeur sortant, qui a marqué un coup, un peu dur. Le renouvellement n’est pas venu tout de suite et il n’y a pas eu une révèle et aussi tout le personnel n’a pas pu suivre cette dynamique, mais aussi il n’y a pas eu le financement, parce ce c’est une opération statistique, comme je vous l’ai dit tantôt d’envergure nationale, et on ne peut pas se lancer pour vous dire un peu l’ordre de grandeur des choses, le module de base du recensement d’agriculture va mobiliser de près de 700 enquêteurs. Nous allons toucher l’ensemble des exploitations agricoles du pays, quand je dis l’exploitation agricole, c’est au sens large, l’agriculture, l’élevage, l’aquaculture, la pêche, la sylviculture et tous ceux qui concernent le secteur primaire au sens classique.
Cette opération, permet non seulement de disposer des informations statistiques structurelles fiables, sur l’agriculture et suffisamment désagrégées pour permettre non seulement de comprendre, quelle est l’efficacité de tout ce que nous faisons, en termes d’investissements sur le secteur agricole, mais aussi d’évaluer l’effet des politiques publiques sur le secteur agricole, mais également de planifier les actions de développement, les actions d’accompagnements du secteur agricole, voilà un peu cette opération en résumé de grande envergure, et nous avons commencé avec les recommandations fortes du Chef de l’Etat, qui a été suivi par le Ministère de l’Agriculture, le Chef de l’Etat a personnellement demandé, dans le cadre d’un programme avec la Banque Mondiale, d’inscrire le recensement national d’agriculture et de l’élevage comme une des composantes de ce projet, projet de développement agricole intégré PEDEC, financé par la Banque Mondiale, dont la troisième composante finance cette opération statistique d’envergure nationale, que nous sommes en train maintenant de préparer.
Au jour d’aujourd’hui, nous avons fini l’essentiel de la préparation, je dirais technique, il y a projet de décret, qui institue le recensement sur deux à trois ans, qui est en cours de relecture par les ministères du secteur rural et les outilles techniques de collecte sont déjà développés, il y a des informaticiens qui sont en train de faire toute la programmation, si ce n’était pas les contraintes liées  à Covid, on devrait être sur le terrain, avec le module de base, qu’on appelle les modules centraux de ce recensement.
Dites-nous quel est l’enjeu de ce recensement pour notre pays ?
Je vous l’ai dit tantôt, l’enjeu de ce recensement, le plus fort c’est de savoir que vaut le secteur agricole, c’est-à-dire, quel est poids de l’agriculture avec  les statistiques fiables à l’appui dans l’économie nationale ? Quelle est la contribution du secteur agricole dans l’économie nationale ? Dans la constitution du produit intérieur brut (PIB). On dit que c’est le secteur majeur, mais il faut mettre chiffre à l’appui, quelle est la contribution de ce secteur dans l’économie nationale ? Pour le faire, il faut une telle opération qui évolue la structure de ce secteur, la production et la productivité de ce secteur, c’est le premier enjeu.
Le deuxième, ça permet d’évaluer ce qui a été fait comme amélioration de la production et la productivité dans ce secteur. L’Etat investit et les partenaires investissent pendant  plusieurs années (dix ans), comme je vous l’ai dit, c’est une opération décennale et ces investissements, on doit être en mesure de dire voilà qu’est-ce que ça apporté en termes d’amélioration des conditions de vie des populations.
Le troisième enjeu, c’est la planification et les perspectives de développement économique, la Guinée a inscrit l’agriculture, comme un des secteurs phares de son développement et voir même, le moteur de développement économique du pays. Quand nous avons ses informations structurelles, les informations fonctionnelles sur l’agriculture au sens large, ça permet de savoir quels sont les facteurs qui freinent le développement de ce secteur, quels sont les avantages en termes de potentiels de développement de ce secteur, quelles sont les actions d’accompagnements pour booster le secteur agricole. Voilà un peu un certain nombre d’enjeux ou de questionnement ou problématique que ce recensement pourrait permettre d’adresser et faciliter tout ce qui est de développement du secteur rural au sens large.
Nous avons entendu, que ce recensement s’effectue chaque décennie selon le FAO, mais on a constaté que cela a fait 20 ans sans procédé à cette opération, qu’est ce qui explique ce retard ?
Il y a eu des difficultés au départ de fonctionnement structurel au niveau de ce service, parce que, quand même ANASA, la responsabilité de conduire le recensement. Mais, les difficultés de fonctionnement c’était lié aux ressources financières et des ressources humaines qui sont quand même très limitées, vu  l’âge de nos frères qui sont majoritairement allés à la retraite.
Donc, le service avait quand même, une certaine difficulté structurelle qui ne lui a pas permis de s’organiser sérieusement. Mais, la principale je vous l’ai dit, c’était le manque de financement, c’est une opération statistique. Le FAO l’avait évalué à 10 million de dollars US, donc, ce n’est pas quelques choses  qui sont liées aux enquêtes annuelles classiques, dire qu’on doit toucher l’ensemble des exploitations agricoles  du pays.
Donc, cette opération de 10 million de dollars, c’est un montant conséquent pour mobiliser, ça demande la contribution forte de l’Etat, ce qui est déjà fait, mais aussi des différents partenaires de développement comme la Banque Mondiale, le FAO, l’AFD qui ont essayé de consolider à réunir ce budget.
Mais aussi vous-savez que la Guinée a connu pas mal de contrainte économique, je ne parle d’Ebola et les différentes crises, jusqu’à maintenant à la COVID19 qui nous freinent encore dans cet élan.
Je pense que, cette opération demande quand même les moments de stabilité  pour pouvoir conduire  et toucher la quasi-totalité la population rurale. Ça ne peut pas se faire quand on est dans des situations de crises ou de pandémie.

Dites-nous qui finance ce recensement et à quand les résultats seront publiés ?
La plus forte contribution pour le recensement que nous sommes en train de conduire maintenant, c’est la Banque Mondiale. Mais, bien avant la Banque Mondiale, il y avait le gouvernement guinéen  qui contribue avec tous ceux qui sont équipements, de personnel et certains fonctionnements de base.
Mais, également le FAO qui avait financé  la phase préparatoire du recensement avant même que moi je ne prenne fonction. Il y a l’AFD qui  accompagne en terme d’assistance technique et le reforment structurel et tout cela concours avoir un dispositif institutionnel  et de financement pour conduire ce recensement dans les règles de l’art.
A quand les résultats seront publiés ?
Les recensements, je vous l’ai dit c’est une opération qui va durer 2 ans, c’est à l’issue de la 3ème année, si nous démarrons maintenant, il faut attendre à 2023 pour disposer les résultats  finaux, je dirais valider, corriger.
Mais bien avant, dans notre séquence d’organisation, le recensement modulaire, nous avons choisi une à torche  modulaire, ou nous avons des modules centraux  et les modules thématiques.
Et nous avons fait le choix de publier progressivement les résultats préliminaires des modules au fur et à mesure que nous réalisons les modules.
Les modules centraux, tous ceux qui sont aspects structurels sur les exploitations familiales, modernes et communautaires, dès qu’on aura fini cette première opération, nous commencerons à mettre à la disposition ses informations.
Et après il y a des modules thématiques agricultures, modules thématiques élevages et modules thématiques pêches, aquacultures et modules thématiques cuniculture.
Votre mot de la fin ?
Le message qui lie à cette opération, c’est que, tous les guinéens doivent accompagner et y compris bien, parce que, la meilleure  connaissance du secteur agricole y va de la meilleure planification des actions de développement, des actions d’accompagnement de développement agricole. Et ça y va de la meilleure appréciation du poids de ce secteur dans l’économie nationale, et vu que l’essentiel de la population guinéenne dépend du secteur agricole ou du secteur rural, je pense que, c’est une affaire de tous et surtout que même les exploitations modernes. C’est-à-dire nous avons plusieurs patrons, qui ont des plantations, qui ont des fermes agricoles, il nous dit j’ai faits 20 hectare ou 100 hectare de riz. Tous ces éléments là doivent être prisent  en compte, et ça  nous souhaitons la contribution de tous les guinéens et toute la population rurale pour que cette opération  soit une réussite.
C’est vrai 20 ans c’est trop, mais, si nous nous organisons bien et que nous avons des meilleurs résultats, nous allons oublier le retard qui a été causé, et je pense que le gouvernement et les partenaires de développement auront un outil factuel et vérifiable sur la base desquelles qu’ils peuvent se baser pour accompagner les actions de développement agricole.
Entretien réalisé par :

Amara Touré & Ibra Sory Bangoura