« S’il y a une seule candidature en Forêt, c’est un élément de rapprochement des populations parce qu’elles vont unir leurs voix (…) »

Au terme de la convention nationale de son parti, Union pour le Progrès de la Guinée (UPG) dans la préfecture de Macenta et au cours de laquelle il a été désigné candidat pour la présidentielle prochaine, Jean Marie Doré a bien voulu se prêter aux questions de votre quotidien électronique Guinéenews©.

Dans ce long entretien, il parle entre autres de l’avenir de son parti UPG, la candidature unique des partis politiques de la région forestière lors de la prochaine élection présidentielle ainsi que le blocage du dialogue politique inter guinéen et la question de l’interdiction du voile intégral. Nous vous proposons la première partie de cette interview. Lisez…

Guinéenews© : La convention de l’UPG vient de s’achever dans la préfecture de Macenta et vous avez été désigné comme candidat pour la présidentielle à venir. Quelles sont vos impressions et pourquoi le choix sur cette ville ?

Jean Marie Doré : D’abord, on pouvait faire la convention aussi bien à Labé qu’à Gaoual, Koundara, Boké ou à Mandiana. Partout où c’était nécessaire d’aller. Une des préfectures qui nous a supportés à la création du parti c’est bien Macenta. Et puis, cette ville est au centre de la Forêt et beaucoup de calculs nous ont amenés à faire la convention ici. C’est plus facile de venir de Conakry à Macenta qui fait 764 kilomètres que d’aller à Lola où on atteindrait plus de 100 kilomètres. Notre parti est vivant et vous l’avez vu dans la salle. Le délai de convention était très court parce que Koundara n’était pas là et en dépit de cet intervalle de temps très court, les gens sont venus et cela montre que le parti est vivant et les militants y sont attachés.

Guinéenews© : Au cours de cette convention, il était aussi question de plancher sur l’éventualité d’une alliance stratégique. Qu’est-ce qui a été finalement retenu ?

Jean Marie Doré : Oui ! Il y a deux choses en une. Il y a le choix du parti sur ma personne pour être candidat, mais en réalité, il s’agit d’une candidature à la candidature. Parce que nous avons une alliance qui s’appelle le CEPAD et qui aura seul droit de choisir un candidat unique. Et chacun s’est engagé par écrit à respecter la volonté et la décision du CEPADE. Donc, avec ce document issu de la convention, je vais déposer ma candidature. Il y a déjà la candidature de Gandhi Tounkara (président de l’UGDD ndlr), monsieur Moussa Dadis Camara et il y a d’autres candidatures en perspective. Maintenant, il appartiendra aux sages du CEPAD de décider…

Guinéenews© : Ça veut dire qu’il y aura une candidature unique au niveau de la Forêt ?

Jean Marie Doré : Oui ! Absolument.

Guinéenews : Et s’il arrivait que les sages choisissent Moussa Dadis Camara est-ce que vous allez vous pliez à cette décision ?

Jean Marie Doré : Toute candidature est possible si c’est conforme à la loi. Personne ne peut aller contre le cours de la loi. On peut me choisir mais si en cours de route on s’aperçoit qu’il y a une incompatibilité (rire) me concernant, la volonté du citoyen est une chose et la place de la loi est une autre chose.

Guinéenews© : En décidant que toutes les formations politiques de la Forêt forment un bloc pour aller à la présidentielle, est-ce que cela ne jouerait pas sur le tissu social déjà fragile ?

Jean Marie Doré : Mais non et pourquoi ? Au contraire, s’il y a une seule candidature en Forêt, c’est un élément de rapprochement des populations parce qu’elles vont unir leurs voix pour désigner un candidat qui ira chercher ailleurs le supplément qui lui manque pour passer la barre fatidique de 50%. C’est ça !

Guinéenews© : Alors revenons à cette convention. Notre remarque a été que l’UPG est un parti qui commence à vieillir. Qu’est-ce qui explique cela et quelle est votre vision ?

Jean Marie Doré : Non ! On n’a pas dit que l’UPG commence à vieillir, on a dit que le leader de l’UPG commence à vieillir. Il ne faut pas modifier les choses. Ils ont dit le leader et c’est normal qu’un parti responsable, qui se respecte pense au renouvellement de son personnel. Moi je ne suis pas eternel et je voudrais que Dieu me donne la chance de vivre 300 ans. Un homme qui nait normalement espère vivre cent ans. Si vous avez créé un parti pour se projeter dans le lointain du temps, vous devez commencer par regarder dans les rangs de vos cadres et c’est ma préoccupation. Aujourd’hui, je souhaite que Dieu nous donne la connaissance du bon choix et que nous puissions trouver demain ou après demain un cadre capable, un cadre guinéen. L’UPG est née de la volonté d’une majorité de Guinéens et de Forestiers. Il y avait Mamadou Barry, Ansou Soumah, Nestor Traoré, Georges Koly Guilavogui et tant d’autres. Donc, l’UPG est née parti national. Mais il s’est trouvé que la majorité de ses dirigeants, de ses fondateurs étaient des Forestiers. Donc, demain si l’on trouve un Malinké, un Peul ou un Soussou qui est vraiment un homme qui a la capacité d’intégrer les populations, pourquoi ne pas le choisir ? Si on veut faire l’unité nationale, il faut s’affranchir du complexe de l’ethnie. C’est difficile parce que la majorité des Guinéens vit dans le cocon de l’ethnie. Pourquoi il y a l’ethno-stratégie ? Ce n’est pas parce que quelqu’un veut le faire mais ce sont les réalités du terrain qui opposent les gens. Si à la création du parti moi j’allais à Mali Yembèrin pour dire aux gens venez on va créer un parti politique, je m’appelle Jean Marie Doré, on dira d’où sort celui là. Mais dans mon village, dans ma préfecture, dans les préfectures environnantes, on connait qui était mon père, qui était mon grand-père, on connait qui étaient mes arrières grands parents. Donc, c’est plus facile pour moi de commencer la mobilisation chez moi pour être crédible ailleurs. Mais un temps arrivera en Guinée où on ne fera pas attention de façon essentielle à ça. On votera les gens pour ce qu’ils valent et non plus d’où ils viennent.

Guinéenews© : Les délégués ont aussi dénoncé le manque de communication entre le bureau olitique national et les structures à la base.

Jean Marie Doré : Certains disent ça pour cacher leur propre inactivité sinon on s’occupe du parti avec beaucoup de soin. Mais il y a toujours l’imperfection dans la gestion. Vous ne trouverez jamais une gestion à 100% pure, ça n’existe pas. S’il ne tenait qu’aux militants, il faudrait envoyer tout le budget de la Guinée pour qu’ils puissent fonctionner. Et puis, vous savez il y a une autre difficulté dans la gestion du parti, vous mettez dix motos à la disposition d’une section, vous revenez trois mois après les motos ont disparu. Certains mettent au nom de leur fils pour faire taxi-moto avec. Est-ce que vous allez le mettre en prison pour ça ? Donc, quand ils vous demandent des matériels roulant il faut faire très attention. C’est très compliqué.

Guinéenews© : Quelque part, est-ce qu’on ne peut pas dire qu’il y a un manque de suivi ?

Jean Marie Doré : Oui ! On va créer une structure pour suivre l’utilisation concrète de ces matériels. Celui qui ne gère pas bien, cette structure aura le pouvoir de lui arracher et de l’amener à la gendarmerie. C’est facile de le dire mais ce n’est pas simple. J’ai distribué des véhicules à Labé, Kankan et N’zérékoré mais ça été des problèmes. J’ai dit amené les véhicules à l’approche des élections et on va les mettre en état, mais certains ne voulaient pas rendre parce que le véhicule roulait à Beyla comme taxi.

Guinéenews© : Apparemment, il y a un sérieux problème de gestion.

Jean Marie Doré : Mais ce n’est pas propre à l’UPG. C’est la même chose au RPG, à l’UFDG, au PEDN comme Kouyaté a montré qu’il est milliardaire alors que c’est plus grave chez lui. C’est la même chose chez Sidya Touré. C’est l’état où nous sommes en Guinée qui fait que les citoyens sont à ce niveau là. La perception de la chose publique n’est pas encore devenue une préoccupation essentielle du Guinéen. Vous lui donnez une voiture de fonction dans un  service, il en fait sa voiture et le jour on le dit de rendre, il va visiter son cousin qui est ministre pour dire voilà c’est avec ça que je me déplace, il faut aller dire à votre collègue. Ce n’est pas normal. Le pire, ce qui s’exprime timidement ici au niveau national ça s’amplifie. Il y en a qui ont occupé les maisons de l’État parce qu’ils sont fonctionnaires à Conakry. On le mute demain à Kankan, il donne la clé à son fils et ça devient pour eux. Des quartiers entiers à Conakry sont habités par des gens qui ne doivent pas être là. C’est devenu une mentalité et il faudrait un homme fort de caractère qui agit dans le cadre de la loi pour mettre fin à cette façon d’habiter les biens publics.

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Interview réalisée par Facely Konaté, chef de bureau Guinéenews© en région forestière.