Depuis quelques jours, des rumeurs circulaient dans la capitale guinéenne sur une démission du gouvernement, alors que dans notre pays, aucune loi n’oblige un Premier ministre et son gouvernement de partir. Mais, à force d’arguments alternant des lois et principes extérieurs aux nôtres, certains compatriotes ont réussi à faire partir aujourd’hui le Premier ministre, Mohamed Saïd Fofana, et son équipe. 

Mais, en recevant cette lettre (qu’il attendait ?) ce mercredi 23 décembre 2015, le chef de l’Etat et unique signataire des décrets dans la Guinée actuelle a décidé de « reconduire » l’équipe sortante dans la gestion des affaires courantes jusqu’à la nomination du prochain gouvernement ! C’est le premier faux pas du professeur Alpha Condé pour ce deuxième et ultime mandat.

Dans les conditions normales, les initiatives, actes et autres décisions des ministres sortants ne leur sont opposables que de la date de leur nomination à celle de leur départ, ici de leur démission ! Ainsi, « gérer les affaires courantes » devait revenir à une autre personne qui n’était pas à la tête du Département, en attendant le nouveau ministre. Cela pourrait par exemple bien se comprendre si on annonçait la démission du Gouvernement et qu’on demandait aux secrétaires généraux de chacun des départements de gérer uniquement la période transitoire entre le départ du sortant et l’arrivée du nouveau patron.

 

A quoi aura alors servi la démission du gouvernement aujourd’hui ?

Peut-être qu’on ne le voit pas clairement quand on est très haut placé ou qu’on le néglige, mais cette « transition-continuité » qui a été créée ce mercredi 23 décembre 2015 n’aura comme seul résultat que la paralysie des activités, notamment économiques dans le pays ! Pour ceux qui ont des affaires avec l’Etat guinéen, plus personne ne continuera des négociations sérieuses avec un ministre qui a démissionné et qui n’engage plus l’Etat. Et, localement, chacun restera, à partir de ce jour, sur le qui-vive : faut-il faire des commandes commerciales, épargner son argent, acheter de la devise, partir pour une importante affaire à l’étranger, venir en Guinée ou attendre la physionomie du futur gouvernement pour savoir s’il faut déchanter ou bien rêver…

Les mêmes pratiques pourront-elles donner des résultats différents ?

Quoi qu’on dise, en 2010, l’arrivée du professeur Alpha Condé (même si c’était à la suite d’un scrutin à hauts risques) avait quand même rassuré les investisseurs étrangers et les marchés. Après deux longues dictatures (les 26 ans de Sékou Touré et les 24 ans de Lansana Conté) et deux transitions militaires (de 2008 à 2010), l’élection à la tête de l’Etat guinéen de l’opposant historique (qui avait combattu tous ses prédécesseurs) avait fait penser à une « révolution » démocratique et économique pour le pays. Surtout que le nouveau chef de l’Etat ne s’était jamais associé aux gestions (et magouilles) précédentes et qu’il est un intellectuel de la diaspora qui est parti de la Guinée dès son jeune âge ! On connait la suite…

Mais, même si le régime de « Alpha I » avait fini par perdre la confiance des grands investisseurs (miniers et autres), il a fallut une multiplication de faux pas avant même la remise en cause très hasardeuse des contrats ou la mauvaise gestion d’Ebola que le Sénégal avait par exemple été l’un des premiers pays voisins à dénoncer…

Or, l’un des touts-premiers faux pas du champion du RPG a été le tâtonnement par lequel il a commencé la gestion du pouvoir, par exemple en nommant certains ministres avant le Premier ministre, lui-même nommé avec beaucoup d’autres ministres qui ont continué à venir avec la création de nouveaux départements, etc.

Plus que jamais, la « démission transitoire » du gouvernement impose une nomination urgente d’un nouveau Premier ministre, d’une architecture gouvernementale et des nouveaux membres du Gouvernement.

De ce Gouvernement, aujourd’hui, ce ne sont pas les Guinéens seulement qui ont écouté et peut-être entendu les excuses à peine voilées du président réélu pour le faible niveau du gouvernement sortant. Mais, son expression : « je connais maintenant les Guinéens » et sa volonté réitérée à plusieurs reprises et publiquement de nommer des guinéens compétents lui imposent de montrer qu’il connait effectivement bien ses compatriotes et saura donc leur proposer une équipe qui regroupera, sinon les meilleures d’entre eux, mais en tout cas pas les moins valeureux ! Cela, quelque soit leur pays actuel de résidence, leur penchant religieux, philosophique et politique, leur ethnie ou région. Quitte à renvoyer ces « compétents » après un « petit essai », mais le gouvernement attendu ne devrait être constitué- et surtout dirigé- que par des Hommes qui font rêver… C’est le meilleur cadeau de nouvel an que le chef de l’Etat peut offrir à son pays, à ses compatriotes et à tous ceux qui ont des intérêts ou veulent investir dans notre cher pays.

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